RECREATIONS LATINES
Traduction française de l'histoire de Toko
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L'archer Toko : un précurseur danois de notre Guillaume Tell ? (3) Gravure
sur bois de la chronique de Petermann Etterlin Ce qui suit ne doit pas être laissé sous silence. Un nommé Toko était depuis quelque temps à la solde du roi. Par les services quil rendait, il portait ombrage au zèle de ses compagnons darmes et il sétait fait plusieurs ennemis de ses vertus. Par hasard, dans livresse dun banquet, il se vanta dune si grande pratique du tir à larc, quil pouvait à distance, du premier coup, atteindre une pomme placée sur un bâton, si minuscule fût-elle. Ces propos, tombés dabord dans loreille de gens malintentionnés, parvinrent ensuite au roi. Mais bientôt, la perversité du prince transforma lorgueil du père en danger mortel pour son fils : il ordonna que lenjeu chéri de sa vie remplaçât le bâton; et que si lauteur du pari natteignait pas la pomme du premier coup, il payât sa vaine jactance de sa propre tête. A cause des pièges de la jalousie dautrui, tirant parti dune vanterie un peu éméchée, lordre du roi obligeait le soldat à faire plus quil ne sy était engagé. A la suite de ses propos, il était tenu de réaliser même ce quil navait pas dit. Il advint quil concentra ses efforts vers ce quil nenvisageait pas du tout et que, ce dont il ne sétait nullement déclaré capable, il le réalisa pleinement grâce à son savoir-faire. En effet, son caractère inébranlable, bien que pris au piège des diffamations, ne put se départir de sa légitime assurance. Plus encore : il accepta lépreuve avec une confiance dautant plus grande quelle était plus difficile. Cest pourquoi Toko fit avancer le jeune homme et lui recommanda instamment de garder les oreilles à hauteur égale, la tête bien droite, et dendurer avec le plus grand calme le sifflement du projectile, pour éviter que, par un infime mouvement du corps, il fît échouer lexpérience dun art infaillible. En outre, prenant le parti de dissiper sa crainte, il lui détourna le visage afin quil ne fût pas effrayé en voyant le trait. Ensuite, il sortit trois flèches de son carquois, et de la première quil ajusta sur la corde, il atteignit la cible. Si le destin lui avait fait toucher la tête du jeune homme, il nest pas douteux que le malheur du fils eût rejailli sur le père, et que lerreur du tir eût associé la mort du tireur à celle de sa victime. Aussi, je ne sais si je dois admirer davantage la valeur du père ou la force de caractère de son fils. Lun évita le meurtre par la sagesse de son art ; lautre, grâce à son endurance physique et morale, fut lartisan de son propre salut et sauva son père du parricide. En effet, il conforta son jeune corps dune fermeté digne dun homme mûr, manifestant pendant lattente de la flèche autant de courage que son père montra dadresse à la lancer. Cest ainsi que grâce à sa constance, il obtint ce résultat que la vie ne lui fut point ôtée, et que son père fut sauvé. Mais le roi interrogea Toko. Pourquoi avait-il retiré plusieurs flèches du carquois, alors que son arc navait droit quà une seule tentative pour atteindre le but ? Cétait, dit-il, pour venger sur toi, par la pointe des autres flèches, légarement de la première, et pour éviter que mon innocence ne fît lépreuve du châtiment alors que ta violence faisait celle de limpunité. Par une parole aussi franche, il enseigna à la fois quon lui devait un titre de courage et que lordre du roi méritait un châtiment. Saxo
Grammaticus, Geste des Danois, 10.7.1-10.7.3
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