DOSSIER DES LATINISTES

EXPOSITION TEMPORAIRE DU MUSEE ROMAIN DE LAUSANNE-VIDY

DEDALE (du 14 mai 04 au 9 janvier 05)

documents obligeamment communiqués par leur auteur, M. Laurent Flutsch

Parcours proposé aux visiteurs... (qui reçoivent à l'entrée une lampe de poche ou une lampe frontale)

PREAMBULE

Dédale était le légendaire architecte du labyrinthe de Crète, hanté par le redoutable Minotaure. Il y fut enfermé avec son fils Icare. Dédale fabriqua deux paires d’ailes fixées avec de la cire et tous deux s’évadèrent par la voie des airs. Mais Icare s’approcha trop du soleil...

Dédale, c’est aussi le nom d’un ancien Lausannois de l’époque romaine. Dans sa famille, la filiation légendaire était inversée : c’était Icare le père !

Avec ses sœurs Banira et Dolvinda, son frère Tato et l’affranchi Cappo, Dédale offrit un jour cet ex-voto sur pierre à leurs Suleviae, sorte d’anges gardiens celtiques. Après quelle mésaventure ? Mystère.

Banira et Dolvinda et Daedalus et Tato Icari fili Suleis suis qui curam vestra(m) agunt iden Cappo Icari l(ibertus)

Banira et Dolvinda, Dédale et Tato, enfants d’Icare, ainsi que Cappo son affranchi, à leurs Suleviae qui prennent soin de vous

Dédale, le bien nommé, vous invite à vous perdre dans la nuit des temps, à la rencontre de quelques uns de ses contemporains. Et pour ressortir, faites comme lui : comptez sur vos anges gardiens

Vous êtes quelque part entre le 1er et le 3ème siècle. Dans ce pays celtique devenu gallo-romain, on avait alors des dieux et des déesses pour presque tout : les arbres, les rivières, les montagnes, et même les carrefours. On leur consacrait des autels comme celui-ci : BIVIS TRIVIS QUADRUVIS , « aux divinités des carrefours à deux, trois et quatre branches ». C’est le moment d’espérer leur aide.

Autel aux divinités des carrefours

Trouvé à Aventicum (Avenches, Vaud)

Epoque romaine

Bivis trivis quadruvis

Aux divinités des carrefours à deux, trois et quatre branches

Prêt du Musée romain d’Avenches

On s’appelait Silvina, Catulla, Macetia, toutes d’Augusta Raurica (Augst), comme Minutus, Caritus, Cracomos (« pierre », en gaulois) ou Contubernius... Dercilia, elle, était de Turicum (Zurich). On était des gens modestes, pour la plupart indigènes. Depuis l’arrivée des Romains, on savait écrire : assez en tout cas pour qu’un jour, sur notre coupe ou notre gobelet particulier, on grave notre nom. 20 siècles plus tard, nos récipients sortis de terre vous le donnent, et vous savez au moins qu’on a existé.

Tessons de céramique avec graffitis nominaux

Trouvés à Augusta Raurica (Augst, Bâle-campagne) et Turicum (Zurich)

1er-3ème siècles

Prêts du Römermuseum Augst et du Musée national suisse, Zurich

Mort depuis longtemps peut-être, mais je savais vivre. J’habitais Augusta Raurica et je ne crachais pas dans mon gobelet… J’y ai même gravé Reginus hic bibet (Reginus boira ici) ! Sur d’autres gobelets réservés aux soirées bien arrosées, on pouvait lire Misce vita (mélange-moi du vin, toi ma vie !), et certaines figurines montraient le résultat : le gobelet encore en main, un bon vivant ivre mort...

Maximes de buveurs sur gobelets et figurine d’ivrogne

Trouvées à Augusta Raurica (Augst, Bâle-campagne)

Terre cuite, époque romaine

Prêts du Römermuseum Augst

Nous avons vécu au 3ème siècle, à Augusta Raurica. Unis dans la vie, nous restons ensemble sur la pierre, avec nos habits d’alors : mon mari en pantalons, tunique et manteau court fixé sur l’épaule par une fibule ; sa ceinture à grosse boucle et son bâton lui donnent l’air d’un centurion de l’armée… Moi, j’ai ma tunique ceinte sous la poitrine et mon lourd manteau de laine.

Relief figurant un couple du 3ème siècle après J.-C.

Trouvé à Kaiseraugst (Argovie)

Molasse

Prêt du Römermuseum Augst

Je suis né à Aventicum au milieu du 1er siècle, mais je n’ai pas eu le temps de vivre : à peine venu au monde, je suis déjà passé dans l’autre. Mes parents m’ont enveloppé dans un tissu de laine et enseveli dans une caisse en bois, avec en pendentif une monnaie de l’empereur Auguste, peut-être pour payer mon passage dans l’au-delà et me protéger en chemin…

Squelette de nouveau-né avec monnaie en pendentif

Fouillé à Aventicum (Avenches, Vaud), nécropole « A la montagne »

Milieu du 1er siècle après J.-C.

Prêt du Musée romain d’Avenches

Tailleur de pierre : un métier neuf et plein d’avenir, depuis que les Romains ont introduit leurs nouvelles techniques de construction, les colonnes, les chapiteaux, les corniches… Sans compter les reliefs et les statues, ni les inscriptions de toutes sortes, ni les pierres tombales. Moi, Iulius Silvester, tailleur de pierre à Aventicum, j’ai consacré cet autel à Mars Caturix, le dieu helvète de la guerre, qui a exaucé mon voeu. Peut-être parce que ses fidèles m’ont commandé de nombreux autres autels… et puis la guerre, c’est bon pour les pierres tombales.

Autel votif de Iulius Silvester le tailleur de pierre

Trouvé à Aventicum (Avenches, Vaud)

Marti Catur(igi) Iul(ius) Silvester lapidar(ius) v(otum) s(olvit) l(ibens) m(erito)

A Mars Caturix, de Iulius Silvester, tailleur de pierre, qui s’est volontiers acquitté de son vœu.

Prêt du Musée romain d’Avenches

« Amo te sucure », au secours, je t’aime ! C’est ce qui est gravé sur cette fibule d’argent que je lui avais offerte… On vivait à Augusta Raurica et on aimait l’amour. Il y avait ces figurines de couples enlacés, ces reliefs en pierre et ces petits disques suspendus montrant des ébats passionnés, comme l’indique la petite table renversée !

Et du côté d’Aventicum, quelqu’un offrait à sa bien-aimée une bague marquée « dulcissime », à ma très douce…

Fibule en argent avec graffito « Au secours, je t’aime », oscillum et relief sur pierre avec scènes d’amour, figurine en terre cuite de couple enlacé

Trouvés à Augusta Raurica (Augst, Bâle-campagne)

Figurines en terre cuite d’amoureux

Trouvées à Lenzburg et Vindonissa (Windisch, Argovie)

Bague en bronze « dulcissime »

Trouvée à Aventicum (Avenches, Vaud)

Epoque romaine

Prêts du Römermuseum Augst, du Vindonissa-Museum, Windisch, du Musée national suisse, Zurich, et du Musée romain d’Avenches

On a vécu tous deux à Aventicum, mais on n’a pu se rencontrer : deux siècles nous séparent.  Une jeune fille du 1er siècle, un homme barbu du  3ème… On était de milieux aisés, car tout le monde ne peut pas s’offrir un portrait de marbre. A part notre visage, vous ne connaîtrez rien de nous.

Portraits d’une jeune fille du 1er siècle et d’un homme du 3ème siècle

Trouvés à Aventicum (Avenches, Vaud)

Marbre

Prêts du Musée romain d’Avenches

©Laurent Flutsch, Conservateur du Musée romain de Lausanne-Vidy

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