A
la découverte des inscriptions...
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"Elles
sappelaient Catulla, Dercilia, Macetia, Silvina, ils sappelaient
Cracomos ou Minutus. Un jour, ces personnes gravèrent
leur nom sur leur bol particulier. Ils vécurent, puis
disparurent. Vingt siècles après, ils ont été
arrachés à loubli lorsque leurs récipients
sont sortis de terre.
Il
y en a bien dautres : un bon vivant qui, en prévision
de soirées bien arrosées, inscrivit sur un gobelet « Reginus
va boire ici », ou celui, hélas anonyme, qui
sur lenseigne de pierre dun lupanar, écrivit : « jai
eu une secousse». Un autre, plus romantique, grava sur
une parure offerte à sa belle « au secours,
je taime! ».
Il
y a aussi les frères Olus (le chou) et Fuscinus (le petit
basané), décédés à 12 et
16 ans et enterrés ensemble, Dovecus la grande vedette
de théâtre, lédile genevois Caius
Arsius Marcianus, dont la mort tragique sous les coups dun
assassin fit le désespoir de ses parents et de son épouse
Atisia Maria. Il y a Palladius, que sa belle-mère Politice
adorait, il y a Lucina, la patronne qui pleurait la disparition
de son esclave Antiphilus mort à 18 ans, ou encore Titus
Nigrius Saturninus, le maître qui avait affranchi son
esclave Gannica avant de lépouser.
LHelvète
Licinus, lui, était cavalier dans un régiment
espagnol de la 22ème légion, cantonnée
sur le Rhin ; sa vie sest achevée à
47 ans après 26 ans de service, et son héritier
Tiberius Julius Capito la fait sculpter chevauchant fièrement
sa monture cabrée et terrassant un dernier ennemi. Un
autre militaire, Firmidius Severinus, était un adepte
du dieu perse Mithra, quil remercia de sa protection ;
cétait il y a 1803 ans, en 201 après J.-C.
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Regards
croisés... lors du face à face avec un aristocrate
helvète
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Et
puis il y a le monde du travail, avec le potier Losso qui, fier
davoir réussi à tourner une volumineuse jarre,
a tenu à la signer dune écriture approximative,
ou ses collègues Reginus et Jucundus, qui ont connu quelques
spectaculaires fiascos en cuisant leurs produits... Masso, esclave
appartenant à un certain Gratus, trimait quant à
lui dans la tuilerie dun dénommé Dirox.
Dautres
demeurent anonymes, mais nen sont pas moins très
présents. Certains ont laissé lempreinte
de leur pied sur une brique, ou les traces de leurs doigts sur
une lampe. Quelques uns ont dessiné des oiseaux ou un
petit bonhomme sur un vase ou une paroi. Dautres, sils
nont plus de nom, ont encore un visage : dans le
bronze ou la pierre, leurs portraits ont survécu. Témoignage
moins prestigieux mais plus direct, quelquun sest
un jour soulagé lintestin au bord du lac de Constance,
et le résultat de cette défécation sest
miraculeusement conservé.
Enfin,
il y a tous ceux qui sont encore là physiquement, non
plus en chair mais en os. Des bébés, des enfants,
des femmes et des hommes, incinérés ou non, puis
déposés en terre par des familles en deuil. Certains
ont enduré des rages de dents sans doute douloureuses,
dautres ont connu la malnutrition et lanémie ;
un homme a survécu quelques temps à de violents
coups dépée dont son crâne porte encore
les traces.
Ils ont
vécu sous nos latitudes entre le 1er et le 3e siècle
de notre ère. Allez à leur rencontre..."
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