DOSSIER DES LATINISTES

EXPOSITION TEMPORAIRE DU MUSEE ROMAIN DE LAUSANNE-VIDY

DEDALE (du 14 mai 04 au 9 janvier 05)

documents obligeamment communiqués par leur auteur, M. Laurent Flutsch

 

DEUXIEME PAGE

Dovecus… Le Dovecus… oui, c’est moi, le célèbre acteur. Comme mon nom l’indique, j’étais d’origine gauloise. Mais c’est la tragédie grecque et latine qui fit de moi, au début du 3e siècle, une immense vedette. A Aventicum, il y avait même des récipients à encens ou à parfum à mon effigie, en costume de scène et cothurnes, avec mon nom sur la ceinture. J’étais une célébrité, une star adulée…Qui se souvient de moi ?

Récipient à encens ou à parfum, à l’effigie du tragédien Dovecus.

Découvert à Aventicum (Avenches, Vaud)

Bronze, début du 3ème siècle de notre ère

Prêt du Musée national suisse, Zurich

 

Moi, je travaillais au 2ème siècle dans un domaine agricole près d’Aventicum. Je suis mort entre la trentaine et la quarantaine. Même si certains atteignaient le double ou davantage, c’était un âge normal pour mourir à cette époque-là... On m’a enterré dans un cercueil en bois, avec mes chaussures aux pieds et avec un de mes outils : des ciseaux à tondre les moutons. Et voilà : un petit tas d’os avec les morceaux de mon crâne au sommet, une paire de semelles cloutées et un outil de travail, c’est tout ce qu’il reste. Alors profitez bien de la vie.

Sépulture à inhumation d’un travailleur agricole

Fouillée à Aventicum (Avenches, Vaud), nécropole d’En Chaplix

Vers 150-180

Prêt du Musée romain d’Avenches et du Musée cantonal d’archéologie et d’histoire, Lausanne

Moi, je ne suis pas n’importe qui : je suis d’une lignée de grands aristocrates helvètes, très vite devenus citoyens romains. On avait des terres, on était connus de l’empereur et on faisait la loi à Aventicum. Je portais la toge… Vers 40 après J.-C., j’ai perdu un proche parent, à qui on a érigé au bord de la route un mausolée de 25 mètres de hauteur ! En haut trônait sa statue, et juste à côté, on a placé la mienne.

Portrait d’un aristocrate helvète romanisé

Trouvé à Aventicum (Avenches, Vaud), nécropole d’En Chaplix

Calcaire, vers 40 après J.-C.

Prêt du Musée romain d’Avenches

Enfants esclaves trimant dans les briqueteries, ouvriers ou gamins jouant dans le coin, à pieds nus ou en sandales cloutées, on marchait parfois sur les briques et les tuiles qui séchaient au soleil. Puis la cuisson solidifiait nos traces. On a vécu puis on a disparu, mais un instant de notre existence est resté inscrit dans l’argile.

Traces de pas sur tuiles et briques

Trouvées à Aventicum (Avenches, Vaud), Forum Claudii Vallensium (Martigny, Valais), Tasgetium (Eschenz, Thurgovie), Dietikon (Zurich), Obermeilen (Zurich)

Terre cuite, époque romaine

Prêts du Musée romain d’Avenches, du Musée cantonal d’archéologie, Sion, du Museum für Archäologie, Frauenfeld, du Musée national suisse et de la Kantonsarchäologie, Zurich

Les bordels ne manquaient pas autour du camp militaire de Vindonissa ; 10'000 légionnaires, vous pensez… Les maisons de passe avaient souvent des enseignes au motif sans équivoque. Mais ces emblèmes virils étaient aussi des symboles de fertilité et des porte-bonheur. En tout cas, moi, après un moment de plaisir, j’ai gravé sur celui-ci « habui tremorem » : j’ai eu une secousse.

Relief phallique avec graffito « habui tremorem », j’ai eu une secousse

Trouvé à Vindonissa (Windisch, Argovie)

Calcaire, 1er siècle après J.-C.

Je suis morte à Aventicum au milieu du 1er siècle, encore jeune. Mon corps a été brûlé sur le bûcher, avec de la nourriture, des boissons et autres offrandes. Tous mes proches étaient là pour le banquet funèbre. Plus tard, ils ont ramassé dans la cendre refroidie mes ossements calcinés et quelques restes des offrandes -dont des os animaux qu’ils ont dû confondre avec les miens…. Ils ont mis tout ça en terre, et on m’a donné pour l’autre monde deux objets qui me vont bien : un couple d’amoureux et un petit vase à parfum en forme de lapin. 

Sépulture à incinération d’une femme, avec vase à parfum zoomorphe et figurine d’amoureux

Fouillée à Aventicum (Avenches, Vaud), nécropole « A la montagne »

Milieu du 1er siècle après J.-C.

Prêt du Musée romain d’Avenches

Pas toujours facile, la poterie. D’abord on extrait l’argile, on la pétrit longuement, on façonne les assiettes au tour, on estampille notre marque de fabrique et on laisse sécher plusieurs jours. Jusque là, ça va. Puis on les empile dans le four et on allume le feu. Il faut monter tout doucement à 1000 degrés, bien surveiller le ronflement du four et la couleur de la flamme…si la température dépasse 1170 degrés, les récipients se soudent et fondent.

C’est bien connu, dès qu’on les laisse faire, les choses vont de travers. Moi, Jucundus, maître-potier à Lousonna au 1er siècle, j’en sais quelque chose… Un jour, tout a fondu, le four et les assiettes ensemble. Tout un boulot pour rien.

Remarquez, au siècle d’après, mon collègue Reginus d’Aquae Helveticae (Baden) n’a pas fait beaucoup mieux : il n’y a qu’à voir l’allure d’une de ses piles d’assiettes !

Ratés de cuisson de Jucundus et Reginus

Trouvés à Lousonna et Aquae Helveticae (Baden, Argovie) et Lousonna

Terre très cuite, 1er siècle et 2ème siècle

Musée romain de Lausanne-Vidy et prêt du Historisches Museum Baden

Je suis né à Aventicum dans les années 140, mais j’ai à peine atteint l’adolescence. J’étais anémique.

Mes proches m’ont incinéré avec de nombreuses offrandes. Puis ils ont mis mes os dans une urne en verre qu’ils ont enfouie dans un caisson de bois. Autour du caisson, ils ont déposé les reste brûlés des offrandes. Et dans l’urne, sur mes os, ils ont placé deux pièces de monnaie, pour que je puisse payer le passeur vers l’au-delà.

Sépulture à incinération d’un adolescent anémique

Fouillée à Aventicum (Avenches, Vaud), nécropole d’En Chaplix

150-160 après J.-C.

Prêt du Musée romain d’Avenches et du Musée cantonal d’archéologie et d’histoire, Lausanne

Il s’appelait Caius Arsius Marcianus, fonctionnaire municipal à Genava, et on l’a assassiné. Moi, Atisia Maria, sa femme, j’ai fait graver à sa mémoire : «A Gaius Arsius Marcianus, le meilleur et le plus pieux parmi ses concitoyens, auprès desquels il remplissait la fonction d’édile. Une main ennemie m’a pris injustement ce cher époux, et a pris à ses très infortunés parents, qui avaient déjà perdu ses frères et sœurs, leur dernier enfant. D’Atisia Maria, à son mari très aimé et très méritant. »

Stèle de Caius Arsius Marcianus, édile assassiné

Trouvée à Genava (Genève)

Pierre, seconde moitié du 2ème siècle

Prêt du Musée national suisse, Zurich

©Laurent Flutsch, Conservateur du Musée romain de Lausanne-Vidy

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