Dossier des latinistes

Sommaire du n° 23

Editorial

«Novem-péplum»

«Le Muet»

«Les Vikings»

«Tite-Live»

QCM : Le Colosse de Rome

Dossier : le péplum muet

Péplathèque du muet

Tarkan

Sorties DVD

Brèves

 

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Numéro 23: septembre MMVIII
dernière heure du jour

(Suite)

Tarkan au pays des nanars

Si le terme « nana », qui vient de l'héroïne du roman éponyme de Zola, était universellement connu et utilisé par les jeunes il y a quelques années, le mot « nanar » n'est employé que par des cinéphiles connaisseurs.

« Dans le domaine cinématographique, un nanar est un terme familier qui désigne un film tellement mal réalisé et ridicule qu'il en devient involontairement amusant et comique. Normalement, le terme nanar diffère du navet par son aptitude à divertir. Le nanar amuse par ses défauts, tandis que le navet est simplement mauvais et ennuyeux (en référence au goût fade du légume du même nom). Le terme nanar est cependant parfois utilisé abusivement pour désigner des films sans intérêt. Il fait alors double usage avec le terme de navet auquel il devrait s'opposer. » (http://fr.wikipedia.org/wiki/Nanar)

Entre 1969 et 1982, le cinéma turc produit un très grand nombre de films historiques destinés à un public intérieur, dont une bonne vingtaine pourraient entrer dans la catégorie du péplum. On pourra en trouver une liste à la page 94 de la revue CinémAction no 89, en annexe d'un intéressant article de Lucas Balbo, qui aborde le sujet sous le titre « Turkish délices ».

Films difficiles à trouver maintenant. Lors d'un de mes derniers voyages en Turquie, je suis allé dans un magasin spécialisé en vidéos et DVD avec une liste écrite en turc de films historiques qui pourraient m'intéresser (même en VO) : ils n'en avaient aucun.

Films à petit budget, prêts à faire foin de toute vraisemblance et toute réalité historique, ils jouent sur de splendides décors naturels, des costumes fantaisistes et très hauts en couleur, des acteurs aux têtes farouches et des actrices au physique avantageux, bref, tous les clichés du genre portés à leur paroxysme.

« Tous ces films sont hautement jubilatoires en raison de leur fantaisie et de leur surréalisme involontaire : tout peut arriver à n'importe quel moment. C'est (…) un cinéma où l'audace est le principal moteur (…), qui n'a que faire des raccords de la crédibilité (…). À voir au moins un fois dans sa vie pour redécouvrir son âme d'enfant. » (Lucas Balbo, op. cit.)

 

  Tarkan et les Vikings  


Tarkan contre les Vikings
Tarkan contre les Vikings

 

Affiche de Tarkan et les Vikings

Parmi les héros de ces films, le plus notoire est Tarkan, héros de cinq heroic fantasy, après avoir été un héros très populaire de la BD turque. Ce personnage, né et élevé parmi les loups, a comme ami le plus fidèle le loup Kurt («loup» en turc, mais dans les faits c'est un bâtard berger allemand), qui luttera toujours à ses côtés avec une intelligence plus qu'animale. Quant à nous, nous ne pouvons apprécier ce héros que dans le seul film de la série sorti récemment en DVD avec sous-titres anglais et image remastérisée : Tarkan viking cani (Tarkan contre les Vikings) de Mehmet Aslan (1971). « Le film le plus délirant de la série » (Lucas Balbo)

Héroïsme, exotisme, érotisme en sont les principaux moteurs, auxquels on peut ajouter le sadisme, la sensualité (malgré le fait que ce soit un film d'un pays musulman !) et l'irréalisme : le méchant roi Toro tue son prédécesseur, s'empare de sa fille (qui commande une bande de sculpturales guerrières vikings), qu'il peut ajouter à sa collection de belles prisonnières, parmi lesquelles figurent la fille d'Attila et la fille de l'empereur de Chine (excusez du peu !), mais Tarkan l'invincible vient l'affronter, malgré les deux flèches qu'il reçoit dans le dos, un empoisonnement, une insolation, un emprisonnement aux galères… et profite de l'occasion pour tuer les Vikings par dizaines et dizaines, pour affronter un géant, tuer une pieuvre monstrueuse et tomber dans les bras - et la couche - des jolies filles.

Tout ça sur un rythme effréné (mais c'est de la BD filmée pour un public de grands adolescents et d'hommes qui sont des enfants qui n'ont pas tous perdu l'esprit d'enfance). C'est éminemment plaisant à voir, surtout pour un public masculin sans doute.

 

 

Source des illustrations:
archives images google relatives à Tarkan.

Autre lien : http://www.superheroeslives.com/
internationals/tarkan_(1969).htm


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Erik le Viking

Christophe Colomb ne fut pas le premier Européen à découvrir l'Amérique : vers 990 après J.-C., Leif Ericson parcourut des régions du Labrador et de Terre Neuve et y laissa quelques colons. Les maigres traces archéologiques qui en restent sont l'objet d'un soin tout particulier de la part des Canadiens.

Cette colonisation somme toute assez modeste a fait l'objet de plusieurs films : les Vikings de Rob William Neil (1928), Thorvald le Viking (The Norseman) de Charles B. Pierce (1978), Leif Ericson, dessin animé de Phil Nibbelink (2000), Pathfinder de Marcus Nispel (2007). On y voit les arrivants Vikings soit fraterniser avec les indigènes soit les combatte farouchement, et, au gré de leur sympathie ou de leur public-cible, les réalisateurs prennent clairement fait et cause pour les uns ou pour les autres. Ainsi, dans le récent Pathfinder, les Vikings sont des envahisseurs cruels, méchants et monstrueux, alors que dans Thorvald le Viking, c'étaient les indiens qui s'acharnaient sur un petit groupe de Vikings.

Cette année, M6 a restauré et édité en DVD une œuvre depuis un certain temps introuvable pour le grand public, Erik le Viking de Mario Caiano (1964). Dans ce film modeste, on retrouve toutes les recettes qui avaient fait le succès du péplum italien des « Golden Sixties » (cf. le dossier de la 12e Heure, no 16) : Erik, gentil prétendant au trône d'une communauté viking, découvre l'Amérique et s'y fiance avec une indienne, mais, poursuivi par les complots de ses concitoyens ennemis, voit mourir sa fiancée et doit revenir en Scandinavie. On trouve dans ce film une image très romantique du Vinland (région de Terre Neuve) avec des paysages paradisiaques.

Précisons que bien d'autres films traitent des Vikings et de leurs incursions, notamment en Angleterre, mais poussant jusqu'en Turquie et en Terre Sainte. On en trouvera une filmographie presque exhaustive et très remarquable sur le site www.peplums.info/pepcour39d.htm#8.

Erik et sa fiancée indienne
Erik et sa fiancée indienne dans Erik le Viking

 
  Une Impératrice et les Guerriers  
 

Faut-il parler de film exceptionnel ? faut-il aller jusqu'à le qualifier de chef-d'œuvre ? Nous n'en savons rien, mais nous avons eu un immense coup de cœur.

Grâce à nos contacts à Hong-Kong, nous avons découvert un wu-xia-pian (péplum chinois), qui vient de sortir il y a quatre mois sur les écrans de l'Empire Céleste et dont l'existence est encore tellement inconnue en Occident qu'un site aussi complet et aussi spécialisé que l'« Internet Movie Database » ne le mentionne pas. ce film est dirigé par Tony Ching Siu-Tung, qui avait déjà collaboré comme chorégraphe d'action à d'autres grands films historiques chinois, Hero (2002), Le Secret des Poignards Volants (2004) et la Cité Interdite (2006).

Maintenant, c'est en tant que réalisateur qu'il a tourné An Empress and the Warriors (2008) [titre français pas encore défini], qui vient de sortir en DVD (langues parlées : mandarin et cantonnais, sous-titres anglais)

L'histoire : au cours d'une guerre entre les royaumes de Yan et de Zhao, le roi Yan est tué; ses maréchaux se disputent pour sa succession, mais finissent tous par accepter que la fille du défunt, Yan Feier, devienne impératrice même si elle est femme. Son ami d'enfance, le jeune général Muyong Xuehu, accepte de l'initier aux arts martiaux. Mais au cours de cette formation, elle est victime d'un attentat et sauvée par un médecin d'un profil « artiste écolo-soixante-huitard », Duan Lanquan. Elle découvrira au fond d'elle-même qu'elle est femme et sensible, et se sentira naître à l'amour. Mais on la rappellera pour sauver son royaume; et la voilà déchirée entre les raisons du cœur et les raisons de la raison. Suivra pour elle un avenir partagé entre la lumière et la douleur…

Muyong Xuehu
Muyong Xuehu


Peut-être est-ce de la part du réalisateur un manifeste adressé au peuple chinois et indirectement au régime communiste : tout ne se règle pas par la violence, on peut penser différemment, trouver des solutions nouvelles, briser les mauvaises habitudes invétérées, préconiser la paix, savoir pardonner, retourner à une vie simple, voir que le monde est beau et que partout il y a de la poésie, et surtout explorer son propre cœur et le laisser parler, même si l'on est un grand dirigeant…

Yan Feier (Kelly Chen) et les Guerriers
Yan Feier (Kelly Chen)

En voyant les wu-xia-pian traditionnels, on admire leur virtuosité et leur esthétisme.

Face à Une Impératrice et les Guerriers, on admire et on pleure !

L'impératrice Yan Feier
L'impératrice Yan Feier

Le film joue sur deux registres contradictoires :

• d'une part le wu-xia-pian traditionnel, avec ses arts martiaux, ses guerres, ses grandes chorégraphies, sa rigidité;

• d'autre part, et c'est nouveau à notre connaissance dans le film historique chinois, sur la découverte des sentiments les plus simples et les plus authentiques. Il y aura même, fait peu fréquent dans ce registre filmique traditionnellement très prude, une chaste scène d'amour où l'on verra même un baiser et de petits bouts de peau (!).

Duan Lanquan
Duan Lanquan

 

 
 

Le Banquet

Le film historique chinois n'en finit pas de produire des œuvres de grande qualité. Peu avant Une Impératrice et les Guerriers, était sorti le DVD du film The Banquet (langues parlées : mandarin et cantonnais, sous-titres anglais).

Plus esthétisant que le précédent (mais est-ce possible dans ce domaine très artistique qu'est le wu xia pian ?), avec des textes poétiques très élaborés et des mises en scène sophistiquées, il décrit d'une manière romancée les derniers jours de la dynastie Tang (907) : intrigues de palais, assassinats, hypocrisie et sournoiserie, on assiste à un grand jeu de chat et souris, mais pour une fois le genre nous épargne des chorégraphies de grandes batailles entre armées ennemies.

Zhang Ziyi dans Le Banquet
  Zhang Ziyi dans Le Banquet

Moins bouleversant qu'Une Impératrice et les Guerriers, le Banquet n'en est pas moins une œuvre portée par une inspiration intense et surtout, dans le rôle de l'impératrice Wan, par la présence extraordinaire de la diva du cinéma chinois, Zhang Ziyi...

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